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ARTE – DIMANCHE 25 AOÛT À 22 H 45 – DOCUMENTAIRE
Dans les années 1980 au lycée public d’Amherst, petite ville du Massachusetts, la jeune Uma Karuna Thurman est bourrée de complexes. Celle qui se surnomme « la girafe » et qui culminera à 1,83 mètre trouve son nez trop grand, sa bouche trop grande, ses yeux trop écartés.
Ce n’est visiblement pas l’avis de grand monde autour d’elle puisque cette fille de bourgeois bohèmes, avec un père américain adepte du bouddhisme et une mère suédoise ancienne mannequin à New York, va, dès ses 15 ans, faire la une du magazine Vogue, tant sa beauté est frappante.
Mais pas question de suivre les traces de sa mère : « Je n’ai pas aimé ce que j’ai vu du mannequinat », assure-t-elle. En montant pour la première fois sur une scène, au lycée, c’est le déclic : « Je me suis sentie à l’aise en jouant la comédie. Beaucoup plus qu’en étant avec les autres dans la vraie vie. »
Quelques décennies plus tard, en 2014, Uma Karuna Thurman est l’invitée d’honneur du Festival international du film de Stockholm. Face caméra, la star quadragénaire est sublime, radieuse, visiblement heureuse de visiter le pays natal de sa mère, qu’elle a emmenée pour l’occasion.
D’Amherst à Stockholm, la petite Uma complexée est donc devenue star mondiale. Lukas Hoffmann, le réalisateur allemand de ce documentaire, aurait pu, avec un tel personnage, à la fois actrice magnétique, victime à plusieurs reprises de redoutables prédateurs (réalisateurs, producteurs) et avocate écoutée du droit des femmes à disposer de leur corps, dérouler une histoire moins neutre que son résultat final.
Présentant un peu trop sagement une carrière débutant véritablement en 1988 dans Les Aventures du baron de Münchausen d’un Terry Gilliam baba (« On dirait une déesse ! »), au sommet en 1994 avec Pulp Fiction, de Quentin Tarantino, mais n’ayant pas, depuis Kill Bill : Volume II du même Tarantino en 2004, réussit à relancer sa carrière sans que l’on sache pourquoi, Lukas Hoffmann passe à côté d’un portrait plus incarné.
Les témoignages sont certes nombreux, mais pas forcément passionnants. Deux anciens camarades de lycée, la costumière Cat Thomas, Andrzej Sekula (chef opérateur sur les films de Tarantino), la réalisatrice Mira Nair et la critique Violet Lucca louent les mérites d’Uma, notamment sa force de caractère, sans que l’on arrive à comprendre ce qui se cache derrière cette beauté à la fois froide et sexy.
Au-delà de la carrière, le documentaire n’élude pas les drames vécus : avortement douloureux en Europe avant ses 20 ans, couple toxique formé durant deux ans avec un Gary Oldman alcoolique, harcèlement de réalisateurs (Philip Kaufman sur le tournage d’Henry & June (1990), Quentin Tarantino sur celui de Kill Bill) et de producteurs, Harvey Weinstein en tête. En 2018, bien après les faits, Uma Thurman révélait que Weinstein avait tenté d’abuser d’elle dans une chambre du Savoy, palace londonien.
En 2021, celle qui est aussi mère de trois enfants lance un appel très remarqué dans les colonnes du Washington Post, destiné « à toutes les femmes et jeunes filles du Texas » qui luttent pour le droit à l’avortement. « Uma est une personne foncièrement bonne, aussi belle à l’intérieur qu’à l’extérieur », résume Andrzej Sekula. On s’en doutait un peu, mais on aurait tout de même aimé en savoir un peu plus.
Uma Thurman. L’émancipation d’une guerrière, de Lukas Hoffmann (All., 2024, 55 min). Disponible à la demande sur Arte.tv à partir du 25 août.
Alain Constant
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